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pence… Je me charge de vendre les foins et l’outillage pour un peu plus que le terme échu… Ma sœur est veuve, comme tu sais, et ne fait pas trop bien ses affaires… Si vous voulez, toi et ta mère, aller vous établir auprès d’elle, je te remettrai, très-exactement, tout ce que je gagne… Quelque chose comme cinq shillings par semaine… Mais ne va pas épouser un homme que tu n’aimes point, lorsqu’un autre homme, qui n’est peut-être pas mort, conserve encore des droits sur ton cœur. »

Sylvia était plus engagée, vis-à-vis de Philip, qu’elle n’avait osé le dire à Kester. La veille au soir il avait reçu sa promesse, et avec mille efforts, mille redites, ce cousin si dévoué, cet adorateur si patient était parvenu à faire entrer dans la faible tête de sa mère, l’idée assez nette de cette combinaison nouvelle qui assurait l’avenir de la pauvre femme et en même temps comblait tous ses vœux. Les paroles de Kester, néanmoins, trouvaient de l’écho dans le cœur de Sylvia et l’avaient plongée dans mille réflexions amères où elle s’abîmait encore quand un léger coup de sifflet, parti de l’extrémité du champ, lui fit machinalement redresser la tête. Devant elle, à une cinquantaine de pas, son fiancé, son futur, les deux coudes sur la barrière, la contemplait avec une ardeur passionnée.

« Voyons, Kester, dit-elle une fois encore, que me conseilles-tu ?… Que faut-il que je fasse ?… Je suis liée à lui par ma parole, et ma mère, en pleine connaissance de cause, nous a donné sa bénédiction… Parle, Kester ! Parle, mon brave homme !… Faut-il tout rompre, je te le demande ?

— Il ne m’appartient pas de prononcer là-dessus… Les choses sont trop avancées… Les gens de là-haut sont les seuls à savoir ce qu’il faudrait faire. »

Un nouveau coup de sifflet fut suivi d’un plus doux appel :