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Habitant au delà des faubourgs, elle n’avait appris que fort tard le retour du baleinier, et, à son arrivée sur le quai, une vingtaine de voix sympathiques s’étaient hâtées de lui annoncer que son mari venait d’être enlevé pour le service du gouvernement.

À l’issue du Marché que la press-gang venait de franchir, issue qui se trouvait encombrée par la foule, cette femme fut contrainte de s’arrêter ; un cri déchirant, — le premier qu’elle eût encore poussé, — sortit alors de sa poitrine.

« Jamie ! Jamie !… Vont-lis donc vous enlever à moi ?… »

Sylvia n’en entendit pas davantage et, avec un éclat de pleurs qu’elle ne put contenir, tomba sans connaissance dans les bras d’Hester et de Molly ; elles se hâtèrent de l’emporter dans l’arrière-magasin qui était en même temps le salon de Jeremy Foster ; — John, le frère aîné, habitait une maison à lui, sise à l’autre bord de la rivière.

Quand Sylvia revint à elle, ce fut pour se retrouver, la tête nue, les cheveux complétement trempés, sur le large sofa du vieux quaker. Elle se redressa et regarda les deux femmes empressées autour d’elle, sans pouvoir d’abord comprendre ce qu’elle voyait.

« Où suis-je ? disait-elle écartant les cheveux humides qui masquaient ses yeux… Ah ! je sais, je sais maintenant ! Merci, merci ! C’est une grande sottise à moi ; mais que voulez-vous ? Tout cela m’a paru si triste… »

Et le souvenir de cette scène poignante l’aurait peut-être replongée dans un nouvel évanouissement, sans la charitable intervention d’Hester :

« Oui, ma pauvre enfant, bien triste, comme vous dites ; mais il n’y faut plus songer, puisque nous n’y pouvons rien et que cette pensée vous fait du mal…