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XIV

L’ÉPREUVE.

Un mois s’est écoulé ; le ciel est bleu, l’été vient, mais c’est à peine si la nature, dans ces pays du Nord, a déjà revêtu sa robe verte. Les eaux courent et bruissent ; dans l’air lumineux l’alouette chante ; les agneaux bêlent appelant leurs mères ; l’espérance et la joie éclatent de toutes parts.

Après un mois de deuil c’est la première fois que s’ouvre la ferme. Le feu s’est rallumé dans l’âtre longtemps vide ; Kester qui cherche à remettre partout un peu d’ordre et d’attrayante propreté, vient de garnir d’asphodèles cueillis dès l’aurore, un vase de terre posé sur le dressoir. Dolly Reid, qui range la cuisine, mêle de temps en temps un fragment de ballade aux bruits métalliques de sa vaisselle, mais elle s’arrête aussitôt, comprenant que ce n’est ni le lieu ni le moment des chansons profanes. Le maître de la maison est mort ; il a payé sa dette à la justice des hommes ; sa veuve et sa fille reviennent aujourd’hui même, et c’est pour elles que tous ces apprêts ont lieu.

Kester a beau faire ; il a beau rendre justice au dévouement, à l’abnégation de Philip, ses sentiments à l’égard d’Hepburn sont restés les mêmes ; il ne l’aime pas mieux, aujourd’hui, qu’il ne l’aimait avant ces tragiques événements. Jamais ils ne sont parvenus à s’entendre et, pour n’en citer qu’un exemple, le jeune négociant a blessé Kester en lui restituant trop tôt l’argent que ce dernier avait prêté avec tant de joie pour aider à la dépense de son maître. Un bon sentiment a dicté la