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des pieds par l’arrière-cuisine dont la porte était restée ouverte, et en courant faillit heurter Philip qui, ne l’attendant pas de ce côté, lui tournait le dos. Il fit brusquement volte-face, et un simple coup d’œil jeté sur son visage suffit pour enlever toute espérance à la jeune fille : « Philip ! » s’écria-t-elle simplement, puis elle s’évanouit à ses pieds, et le bruit de sa chute retentit sur les pavés de la cour.

Il voulut soulever son corps, mais, dans l’état de fatigue où une longue marche l’avait laissé, cette tâche se trouva au-dessus de ses forces.

Kester accourut. À eux deux, ils la portèrent dans la maison. Là, tandis que le valet de ferme allait puiser de l’eau pour la lui jeter au visage, et tandis que Philip, agenouillé, soutenait dans ses bras la tête et le buste de la malheureuse enfant, une ombre vint se placer entre lui et le jour. Il leva les yeux et vit sa tante ; sa tante aussi digne, aussi calme que jamais.

« Mon enfant… dit-elle, s’asseyant à côté de Philip et lui enlevant doucement son précieux fardeau. Lève-toi, mon enfant, lève-toi !… Il faut partir, partir sans retard, maintenant qu’il a besoin de nous. Lève-toi !… Dieu nous donnera la force ! Les minutes valent des heures, lève-toi !… C’est plus tard que tu pleureras tout à loisir ! »

Sylvia ouvrit ses yeux voilés et reconnut la voix de sa mère. Les idées rentraient une à une dans son esprit. Elle se releva lentement et demeura debout, immobile, comme une personne étourdie par un coup violent et qui cherche à se raffermir sur ses jambes chancelantes. Puis, saisissant le bras de sa mère, elle dit d’une voix étrange et douce :

« Partons, si vous voulez !… Je suis prête. »