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« C’est pour aujourd’hui, disait-elle… Il faut, quand il reviendra, qu’il trouve tout en bon ordre.

— D’aucune façon, disait Sylvia qui n’avait pas encore quitté son lit, nous ne devons nous attendre à le voir revenir dès ce soir.

— Allons donc, petite !… Tu en es encore à savoir de quel pas revient un homme, quand sa femme et son enfant l’attendent… Et d’ailleurs, tout ceci sera fait. »

Sylvia, de plus en plus étonnée, n’ajouta rien et se figura que sa mère s’efforçait, par ce surcroît de travail, d’éloigner certaines pensées sinistres. Il en fut de même pour le dîner, vers midi ; et Sylvia eut toutes les peines du monde à convaincre sa mère qu’il fallait attendre le retour de Kester, parti le matin pour les champs comme de coutume. Elle n’y parvint qu’en cédant à un caprice de Bell, qu’elle accompagna sur la hauteur pour tâcher d’apercevoir au loin le voyageur espéré.

Une fois à table, Bell repoussa son assiette, sous prétexte « qu’il était trop tard et qu’elle n’avait plus faim. » Kester allait répondre que la demie était à peine sonnée, mais Sylvia, par un simple coup d’œil, lui commanda le silence, et le brave homme se remit à manger, essuyant par ci, par là, du revers de la main, une larme dont ses yeux étaient obscurcis.

« Je ne m’éloignerai pas de la journée, » dit-il tout bas à Sylvia, quand il fut sur le point de sortir.

Bell Robson trouvait le temps long, et se plaignait que le soir n’arrivât point ; elle finit, malgré tout, par s’engourdir sur son fauteuil, et Sylvia prit toute sorte de précautions pour ne la pas éveiller. Ce sommeil, paisible comme celui d’un enfant, dura fort heureusement jusqu’au coucher du soleil, et il n’était pas encore dissipé lorsque Sylvia, qui venait de préparer le thé de sa mère, aperçut derrière les vitres la figure de Kester qui lui faisait signe de sortir. Elle se déroba sur la pointe