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temps encore, interrompu seulement çà et là par les mouvements que se donnait Phœbé.

« Il ne faut pas que ma mère le sache, reprit Sylvia du même ton que naguère.

— Mais, dit Philip, pourquoi tout d’abord prévoir le pire ?… La transportation est bien plus probable : et d’ailleurs, il peut être reconnu innocent.

— Non, dit Sylvia, comme si toute espérance lui était impossible, comme si elle lisait déjà la sentence fatale dans le livre de l’avenir… Ils le tueront, c’est certain… Oh ! mon père ! mon père !… »

Et pour étouffer ses cris qu’elle ne pouvait contenir, elle enfonçait son tablier dans sa bouche, serrant en même temps la main de Philip, et d’une force telle que cette étreinte, à la longue, devint un véritable supplice. Pour une pareille agonie, il n’avait pas de consolations ; mais, sans pouvoir s’en empêcher — et par le mouvement irrésistible qui nous pousse vers un enfant blessé, — il se pencha vers elle, et d’un baiser tremblant effleura sa joue… Elle ne le repoussa point ; — probablement elle ne s’était aperçue de rien.

Phœbé entrait au même moment. Philip, qui la vit, devina ce qu’allait penser la vieille femme ; mais il lui fallut rappeler Sylvia, plusieurs fois de suite, au sentiment de la situation présente. Sa mère, lui répétait-il, attendait la boisson fortifiante que Phœbé venait de préparer pour elle.

« Allons, dit Sylvia ; mais j’aimerais mieux affronter la présence d’un mort… Si elle me questionne, Philip, que lui dirai-je ?

— Elle ne vous questionnera pas, répondit-il, si elle ne voit en vous rien qui l’étonne… Dites-lui d’ailleurs, de s’adresser à moi ; je lui cacherai le plus longtemps possible ce qu’elle doit ignorer… Je m’y prendrai mieux