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rue, elle le vit, s’apprêtant à recevoir dans ses bras Sylvia suspendue encore au bord de la roue ; ils entrèrent ensuite dans cette maison éclairée, attiédie pour la recevoir ; la carriole repartit lestement, jetant à droite et à gauche la clarté de ses deux lanternes ; et à travers les froides ténèbres, sous la pluie qui tombait à torrents, Hester s’en retourna chez elle, le cœur plus las, plus attristé qu’elle n’eût voulu se l’avouer à elle-même.

Malgré ses, appréhensions pour le compte de Daniel Robson, malgré la chaleureuse sympathie qu’il accordait aux chagrins de Sylvia et de sa mère, Philip ne pouvait s’empêcher de pratiquer avec une joie secrète, à l’égard de sa bien-aimée, les rites hospitaliers. Au grand regret de Phœbé, il avait déployé ce jour-là un luxe qui ne lui était pas habituel. La cheminée flambait ; deux longues bougies, ou plutôt deux cierges, brûlaient simultanément sur la table ; mais ni l’une ni l’autre de ses deux hôtesses ne prenaient garde à tous ces apprêts. Bell Robson, malgré sa fatigue, voulait sans retard aller trouver Daniel, et on eut grande peine à lui faire comprendre qu’elle ne serait pas admise, à pareille heure, dans la geôle municipale. Comme elle insistait, malgré tout, pour qu’on fît passer à son mari l’écharpe de flanelle indispensable à ses rhumatismes, Philip, toujours complaisant, se chargea de la commission ; et c’était là de sa part un grand sacrifice, dans ce moment où la présence de Sylvia chez lui, comblant les plus chers de ses vœux, donnait son prix à chaque minute. Quand il revint, il trouva Sylvia qui, victorieuse à grand’peine de quelques scrupules hospitaliers, s’était décidée à préparer le thé de sa mère. Ce fut là une grande joie, saluée comme un heureux présage par le maître de la maison. Mais la jeune fille était triste, agitée. Lorsqu’elle eut décidé Bell Robson à se mettre au lit, elle descendit auprès de son cousin à qui tout