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Hester, en réponse à cette dernière question, donna fort exactement les explications qui lui avaient été dictées ; mais il lui semblait étrange qu’on se méfiât de Philip et qu’on hésitât si longtemps lorsqu’il conseillait de se hâter. Sa surprise, probablement, se trahit par quelques paroles, car Sylvia lui répondit avec une sorte de cri d’angoisse :

« Peut-être, disait-elle, peut-être vous fais-je des questions étranges ; peut-être me trouvez-vous mal apprise et m’accusez-vous d’impolitesse… Mais vos réponses, sachez-le bien, ne m’importent guère… Je n’ai d’autre souci que de revoir ici mon pauvre père… À peine sais-je ce que je dis, et bien moins encore pourquoi je le dis… La patience de ma mère me met hors de moi… Mais voyons, dites… quand il aura lui-même expliqué ce qu’il a fait, on nous le renverra, n’est-il pas vrai ? »

Elle avait pris tout à coup un ton suppliant, comme si la décision relative à son père dépendait d’Hester elle-même. Celle-ci, pour toute réponse, secoua la tête. Sylvia vint alors près d’elle, et lui prenant les mains qu’elle caressait presque :

« York-Castle, lui disait-elle… on y envoie les voleurs et les bandits, mais un honnête homme tel que mon père… »

Hester posa sa main sur l’épaule de Sylvia, par un mouvement affectueux et doux :

« Philip vous dira ce qui en est, répondit-elle, usant de ce nom comme d’une sorte de charme ; — et pour elle, en effet, il avait des vertus magiques. — Venez trouver Philip, » reprit-elle encore, insistant pour le départ.

Et Sylvia, qu’elle avait enfin persuadée, se mit à se préparer, en se disant à part elle :

« Allons voir mon père ; c’est lui qui me dira tout. »