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les verrous furent tirés une seconde fois ; une main s’étendit, pareille à celle qui attira la colombe dans l’Arche et, suivant l’impulsion de cette main, Hester se trouva bientôt devant l’âtre au coin duquel était assise la pauvre Bell :

« Il ne faut pas, disait celle-ci, que le chagrin endurcisse nos cours… Pardonnez-moi, madame (s’adressant à Hester) ; aujourd’hui même une grande affliction est tombée sur nous… Nos pleurs, nos lamentations nous ont tout à fait changées… Veuillez nous excuser et nous plaindre. »

Là dessus Bell cacha sa tête dans son tablier, comme pour épargner à l’étrangère la vue de ses yeux rougis et gonflés par les larmes. Sylvia, dont la première impatience n’était qu’à moitié calmée, et qui regardait encore avec un certain mécontentement la personne introduite en dépit d’elle, s’était agenouillée aux pieds de sa mère et la tenait fortement embrassée. Celle-ci, tout à coup, abaissant son tablier :

« Vous avez froid, vous êtes mouillée, reprit-elle… Approchez du feu, séchez-vous !… Vous savez peut-être que c’est que d’avoir tant à penser… Excusez-nous, je vous prie !

— Merci, merci de vos bontés ! » dit Hester que touchaient profondément les efforts de la vieille femme pour faire prévaloir sur les inspirations de sa douleur celles d’une généreuse hospitalité. Puis elle se nomma et fit sommairement connaître l’objet de sa mission. Avant même qu’elle eût achevé de parler, Bell était sur pied, cherchant à la hâte tout ce qu’il lui fallait pour se mettre en route. Sylvia, moins confiante, s’était mise à questionner Hester.

« Dans quel but, demanda-t-elle, mon père doit-il faire le voyage d’York ?… Pourquoi Philip nous a-t-il quittées ?… Pourquoi n’est-il pas venu lui-même ? »