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XII

UNE TRISTE VEILLÉE.

La petite carriole s’arrêta au bas du sentier escarpé qui menait à Haytersbank. La pluie continuait plus drue que jamais, et le cocher recommanda de faire hâte, « ne se souciant pas, disait-il, de risquer la vie de ses chevaux. » Hester monta jusqu’à la ferme d’un pas rapide. Au moment de frapper, elle se sentit intimidée, songeant aux personnes inconnues qu’elle allait voir et au délicat message dont elle s’était chargée. Le premier coup se perdit dans le tumulte des éléments. Au second, le murmure de voix féminines qu’elle avait entendu à l’intérieur de la maison cessa brusquement, et quelqu’un vint en courant ouvrir la porte.

C’était Sylvia. Hester ne manqua pas de la reconnaître, bien que le visage de la jeune fille fût resté dans l’ombre. Mais celle-ci ne pouvait démêler les traits d’Hester, ni sa taille, ni sa tournure, sous les nombreux vêtements dont elle était enveloppée. D’ailleurs, elle n’éprouvait à ce sujet ni le moindre souci, ni la moindre curiosité. D’une voix altérée par le chagrin et avec une brusquerie laconique :

« Passez votre chemin, dit-elle… Ce n’est pas une maison où les étrangers puissent être admis… Nous avons en ce moment trop d’affaires sur les bras. »

Puis, sans laisser à Hester le temps de s’expliquer, elle lui jeta la porte au visage. Par bonheur, — tandis que la messagère de Philip cherchait en vain comment elle pourrait se faire ouvrir cette porte inexorable, — une autre voix s’éleva, plus compatissante et plus douce ;