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avec sa prudence ordinaire, il se garda bien d’annoncer à quelles recherches il allait se livrer, et quels périls il entrevoyait. Il comptait bien revenir le jour même, mais il ne manifesta aucune intention de ce genre, et Sylvia ne put s’empêcher de pousser un cri de détresse quand elle le vit disparaître ainsi sans avoir rien fait ni rien dit qui fût de nature à l’éclairer.

Sa mère la consola de son mieux, et toutes deux, par cette après-midi de février où la pluie battait leurs carreaux, où le vent promenait ses plaintes le long des vastes marécages, demeurèrent l’une vis-à-vis de l’autre, dévorées d’anxiétés et d’angoisses.

Philip, néanmoins, entrait à Monkshaven, bénissant le mauvais temps qui dépeuplait les rues et le mettait à l’abri de toute rencontre gênante. La ville était littéralement en deuil. De même que l’opinion avait en grande partie sanctionné la révolte et ses excès, de même était-elle défavorable aux magistrats et aux rigoureuses mesures qu’ils avaient cru devoir prendre pour le maintien de la sécurité publique. Philip se trompait donc en cherchant à éviter les regards ; il n’eût rencontré que bienveillantes sympathies et sincère désir de lui venir en aide. Mais la timidité qui le portait à se dérober de la sorte, ne l’empêcha pas de se conduire en véritable et loyal ami. Bien que ses services fussent réclamés au magasin, il ne put se faire à l’idée du moindre retard, et se rendit tout droit chez le meilleur attorney de Monkshaven, celui-là même qu’on avait appelé à conseil pour rédiger le nouvel acte de société entre les frères Foster et leurs jeunes successeurs. M. Donkin, — c’était le nom de l’attorney, — se trouvait ainsi en relations avec Philip, et avait pris de lui l’opinion la plus favorable ; aussi le reçut-il sans retard.

« Daniel Robson ? lui demanda-t-il quand le jeune homme, après d’assez longues hésitations, eut vague-