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devant elle pour la prendre dans ses bras ; je reviendrai bientôt ; fais en sorte que je te trouve bien portante… En attendant, veille sur ta mère, soigne-la bien… Et si vous avez besoin de conseils, recourez toutes les deux à Philip !… »

Il était déjà sorti, et les femmes commençaient à éclater en sanglots, lorsqu’un des constables, bonnet en main, reparut sur le seuil.

« Il désire parler à sa fille, » dit cet homme avec un certain respect. Le prisonnier et les gardiens s’étaient arrêtés à une douzaine de pas de la maison. Sylvia courut se jeter dans les bras de son père.

« Sylvia, mon enfant, lui dit le vieillard, je t’ai parlé un peu bref dans la soirée d’hier, et tu m’as quitté le cœur gros… Oublie tout cela, chère petite, et puisque nous nous séparons aujourd’hui, dis-moi que tu me pardonnes…

— Oh ! mon père, mon père, » répétait Sylvia sans pouvoir ajouter un mot de plus. Empressé d’abréger cette scène qui, se prolongeant, semblait embarrasser les constables, Philip prit sa cousine par la main et la reconduisit auprès de sa mère.

Peu à peu le silence se fit dans la maison. Les femmes avaient cessé de pleurer ; Philip réfléchissait sur les meilleures mesures à prendre ; Kester, d’abord irrité contre sa maîtresse, qui l’avait empêché de tomber à coups de fourche sur les constables, philosophait maintenant au fond de son écurie qui était, en toutes circonstances, son refuge préféré. Du reste, il ne croyait pas son maître absent pour plus de deux ou trois jours, et, dans leur ignorance heureuse, les autres, excepté Philip, se faisaient la même illusion. Quant à ce dernier, toutes réflexions faites, il venait d’arrêter son plan de campagne, et lissant avec la manche de son habit l’épaisse toison de son castor, il s’apprêtait à prendre congé. Mais