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hommes eurent bientôt deviné pourquoi et comment Philip se trouvait à Haytersbank.

« L’autre ne doit pas être bien loin, reprit le second constable ; son assiette, en bas, était encore pleine… À notre sortie de Monkshaven j’ai vu monsieur Hepburn qui prenait sur nous les devants.

— Le voici, le voici, nous le tenons ! » cria son camarade, tirant Daniel par les jambes ; et, malgré les ruades de ce dernier, il lui fallut bien se résigner à cette ignominieuse capture. Mais une fois pris, il se secoua, et, faisant face aux gens de police :

« Je voudrais, leur dit-il, ne m’être jamais caché… Si je l’ai fait, c’est qu’il l’a voulu, ajouta-t-il désignant Philip par un mouvement assez dédaigneux… Je suis bien sûr que vous avez un mandat en règle… Quand nous posons les armes, les juges se mettent à écrire… » Mais, nonobstant ces bravades, le vieillard avait reçu le coup, et Philip ne manqua point de s’en apercevoir.

« Point de menottes, dit-il au constable, — et ces paroles furent accompagnées d’un petit présent. — Vous êtes bien sûr de le garder sans cela. »

Cette conversation à voix basse inquiéta Daniel.

« Laisse, mon garçon, laisse aller les choses, dit-il… J’aime à voir ces deux gaillards robustes s’inquiéter ainsi d’un bon vieux de soixante-deux ans (vienne la Saint-Martin), et encore tout perclus de rhumatismes… »

Mais il voulut en vain soutenir ce ton de raillerie, quand il passa, prisonnier, devant sa femme et sa fille, appuyées l’une contre l’autre et se tenant les mains. Kester était dans un coin de la chambre, debout et la physionomie menaçante.

La beauté de Sylvia se montra sous un jour nouveau lorsqu’elle vit définitivement emmener son père ; — on eût dit une Furie enchaînée.

« Courage, ma bonne fille ! lui dit Daniel s’arrêtant