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seul à le voir, — qu’il ne pouvait plus être question de s’échapper. Les constables étaient déjà au bout du champ qui jouxtait la maison, c’est-à-dire tout au plus à une cinquantaine de mètres.

« Cachez-le ! cachez-le ! » criait Bell, se tordant les mains dans sa frayeur. Comment fuir, en effet ? Daniel, appesanti par l’âge, gêné par ses rhumatismes, se ressentait en outre des meurtrissures qu’il avait reçues pendant la nuit fatale.

Philip, sans un mot de plus, fit monter Daniel devant lui. Comprenant bien ce que sa présence dans la ferme de Haytersbank avait de compromettant pour le vieillard, il ne manqua pas de s’enfermer avec lui dans la plus grande des deux chambres à coucher. À peine Daniel s’était-il insinué sous le lit, tandis que Philip s’enveloppait de son mieux dans les plis d’un épais rideau, ils entendirent le bruit d’une lutte qui leur signala l’entrée des constables. Des voix s’élevèrent ensuite ; on traînait des chaises, on remuait des meubles, les portes battaient, les voix s’animaient ; et le tout finit par un cri de femme, un cri perçant et douloureux, à l’accent duquel on ne pouvait se méprendre.

« Ce cri a tout gâté, » soupira Philip.

Effectivement, la porte s’ouvrit peu après ; et sans les voir, et bien qu’ils demeurassent immobiles à regarder du seuil dans tous les coins de la chambre, Daniel et Philip comprirent que les constables étaient là. Le moment d’après, les pieds du jeune homme, que le rideau un peu trop court ne cachait pas tout à fait, les attirèrent de son côté ; ils le saisirent avec violence, mais le lâchèrent aussitôt :

« Monsieur Hepburn ! » s’écria l’un d’eux, tout d’abord stupéfait. Mais ils ne furent pas longtemps à comprendre. Dans une petite ville comme Monkshaven, lesrelations d’un chacun sont connues de tous, et ces