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« Je n’ai pas peur, disait-il ; ce que j’ai fait, je le ferais encore, et je ne manquerai pas de le leur dire… Nous voici dans un beau temps, où l’on prend les gens au piége comme des rats, et où on jette dans les cachots ceux qui tentent de les délivrer.

— Si on s’était borné là, continua Philip… Mais il y a eu sédition, sédition compliquée d’incendie.

— Et je ne le regrette pas, répliqua l’obstiné vieillard… Peut-être, cependant, si c’était à recommencer, n’irais-je pas aussi loin. »

Sylvia, sur ces entrefaites, lui apportait son chapeau ; Bell, toute tremblante, lui passait son surtout, et tenait toute prête, pour qu’il l’emportât, sa bourse de cuir où tintait quelque monnaie rassemblée à la hâte.

Il regardait ces préparatifs, portant ses yeux tour à tour sur sa femme et sur sa fille. Son teint, fortement coloré, s’altéra quelque peu.

« Je ne reculerais pas devant les verrous, et la prison ne me ferait pas peur, si ce n’était à cause d’elles, disait-il avec hésitation.

— Pour Dieu, reprit Philip, ne perdons pas de temps !… vous devriez être loin d’ici !

— Où faut-il qu’il aille ? demanda Bell, comme si c’était à Philip de tout régler.

— Où il voudra, où il voudra, pourvu qu’il soit hors de chez lui… À Ilverstone, par exemple… J’irai l’y rejoindre pour combiner ce qu’il faudra faire ensuite… Mais qu’il parte, à présent ! qu’il parte sans délai ! » Philip était si agité qu’il prit à peine garde au vif regard de muette reconnaissance que, dans ce moment, Sylvia tenait arrêté sur lui ; plus tard, seulement, il devait se le rappeler.

« Je voudrais qu’ils fussent tous pendus, » s’écria Kester en s’élançant vers la porte ; car il voyait, — et il était