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neveu est trop occupé des bénéfices qu’il a faits sur ses boîtes d’épingles, pour s’intéresser beaucoup aux femmes et aux enfants de ces pauvres diables que nous avons rendus à la liberté. »

Philip devint d’abord très-rouge, et ensuite plus pâle que d’habitude. Il fut quelque temps à pouvoir parler et dit enfin :

« Monkshaven, aujourd’hui, passait un mauvais dimanche. Ceux qu’on appelle « les mutins » voulaient couronner leurs exploits de la nuit en attaquant les matelots de l’État. La milice a dû prendre les armes pour les en empêcher, et quand je suis parti, on cherchait un juge de paix pour faire les trois lectures du riot-act ; on assure que demain les boutiques ne s’ouvriront pas. »

L’affaire se présentait ainsi sous un jour plus sérieux qu’aucun des assistants ne l’avait pressenti. Une certaine préoccupation se peignait sur leurs physionomies, mais Daniel, reprenant courage :

« Je ne prétends pas, dit-il, qu’on n’ait été un peu loin hier au soir… Encore faut-il reconnaître qu’il y avait provocation suffisante, et ce n’est pas le cas d’avoir si vite recours aux soldats, voire à ceux de la milice… Voyez un peu, cependant, continua-t-il avec ironie, tout le bruit que peuvent faire sept pauvres diables réunis par hasard dans un cul-de-sac ! »

Philip, plus grave que jamais, persista courageusement, au risque de mécontenter ses amis.

« Je ne voulais pas vous en parler, disait-il ; je ne me figurais pas que mon oncle fût mêlé à tout ceci, et je vous avoue que j’en suis vivement contrarié.

— Pourquoi ? demanda Sylvia d’une voix émue.

— Il n’y a pas là de quoi se repentir, ajouta Bell ; je suis heureuse et fière de ce qu’il a fait.

— Laissez, laissez, dit Daniel chez qui la colère prenait le dessus… Je n’aurais pas dû l’entretenir de tout