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Bell s’était rapprochée, une chandelle à la main ; elle vit la figure de son mari noircie par la fumée, ses habits en désordre, arrachés, déchirés par endroits :

« Que t’a-t-on fait ? lui dit-elle.

— Rien, répondit-il… C’est moi qui me suis enfin donné le plaisir de châtier la gang.

— Toi ! s’écrièrent à la fois les deux femmes… Auraient-ils voulu t’enlever ?

— Pas si bêtes : mais tout de même ils ont eu leur compte ; et la première fois qu’ils seront tentés de recommencer, ils demanderont, c’est moi qui vous le dis, si Daniel Robson est dans les environs… Quant au Randyvow, il en reste à peine les quatre murs… Nous l’avons brûlé, moi et quelques autres, pour délivrer une douzaine de bons garçons qu’ils y avaient traînés par surprise.

— Tu ne prétends pas dire, demanda Bell fort émue, les gens de la gang ont été brûlés en même temps que la maison ?…

— Pas pour cette fois : ils se sont échappés comme des lapins. »

Puis il entra dans tous les détails de l’affaire, interrompu çà et là par les exclamations, les questions des deux femmes qui l’écoutaient avidement. Peu à peu néanmoins, dominé par la fatigue, il sentit sa voix s’éteindre et ses yeux se fermer. Sa femme et sa fille se mirent alors à le déshabiller sans bruit, et le portèrent entre les deux draps bien chauds qu’elles avaient cru devoir bassiner, dans des circonstances si exceptionnelles. Tout au plus, endormi comme il était, put-il sentir le baiser que Bell posa doucement sur sa joue flétrie.

« Dieu te bénisse, mon homme ! disait-elle tout bas… Je t’ai toujours vu prendre parti pour les gens qu’on opprime. »