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mugissements de la pauvre vache attachée dans l’étable arrivèrent jusqu’aux oreilles de Daniel, volontiers ouvertes à un pareil langage. Il se rendit en boitant de ce côté ; — l’animal, effarouché par les clartés, la chaleur des flammes, bondissait et tirait sur sa corde ; notre fermier émérite savait heureusement comment l’apaiser, et quelques minutes après, lui ayant passé une longe autour du cou, il l’attirait doucement dans l’espèce de couloir par où les assiégeants avaient pénétré dans la maison, lorsque Simpson, le domestique de l’auberge, sortant tout à coup de quelque cachette obscure, se trouva face à face avec lui.

Cet homme était blême de peur et de colère.

« Tiens, lui dit le fermier, prends ta bête, et mène-la un peu loin de ce tapage !… Elle était tout à l’heure à moitié folle.

— Ils brûlent jusqu’à ma dernière chemise, s’écria Simpson haletant… Me voilà dans la misère jusqu’au cou !…

— Et c’est bien fait ; il ne fallait pas te tourner contre les tiens, te faire le valet de ces bourreaux… Si j’étais plus jeune, tu ne me verrais pas attelé après ta vache… Je serais là-bas à danser comme eux.

— C’est toi qui les a lâchés sur nous… Je t’ai entendu, je t’ai vu leur frayer le chemin… Jamais ils n’auraient pensé à prendre la maison d’assaut, jamais à brûler nos meubles, si tu ne leur en avais donné l’idée. »

Simpson pleurait alors pour tout de bon ; mais Daniel, fier de la bonne œuvre qu’il croyait avoir inspirée, s’inquiétait à peine du dénûment auquel ce misérable allait être réduit.

« Oui, oui, disait-il ; c’est fort à propos qu’une tête avisée se trouve parmi ces babillards : sans moi, jamais ils n’auraient songé à détruire ce nid de guêpes… Il faut de l’esprit naturel pour que ces idées-là vous arri-