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façade, — la chasse qu’on leur avait donnée, — le prompt retour des assaillants empressés de délivrer les prisonniers et de passer leur rage sur la maison dont ils s’étaient rendus maîtres.

De tous les étages, effectivement, et par toutes les fenêtres, les meubles tombaient dans la cour. Le bruit des vitres cassées, le craquement des charpentes et des menuiseries, les cris, les jurons, les rires de la foule portèrent à son comble l’excitation de Daniel et, ne songeant plus à ses meurtrissures, il s’élança pour prendre sa part de la bagarre. Le sentiment de sa victoire lui tournait la tête ; ses hourrahs saluaient chaque dévastation nouvelle ; il serrait la main des plus ardents à détruire, et, dans un moment où il s’était arrêté pour reprendre haleine :

« Si j’étais jeune comme autrefois, s’écria-t-il, je raserais de fond en comble ce maudit Randyvow, et sur ses ruines j’allumerais un feu de joie… Comme cela, du moins, on aurait quelque raison de sonner le tocsin. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. L’agitation populaire en était à ce point où tout conseil funeste trouve faveur ; vieilles chaises, tables rompues, tiroirs arrachés, coffres crevés furent promptement et adroitement entassés en pyramide, et un des meneurs, qui dès les premiers mots s’était mis en quête de charbons ardents, revint avec une pleine pelletée de cendres rouges qu’il venait de prendre dans un four encore allumé. La flamme ne tarda pas à monter vers le ciel, indécise d’abord et revenant sur elle-même comme pour entourer la base du léger édifice et s’emparer plus sûrement de sa proie, puis avec un éclat plus vif, un élan plus irrésistible, et les mutins, alors, poussant un farouche cri de joie, se mirent à rire, à chanter, à sauter autour du bûcher comme eussent pu faire des écoliers en goguettes. Parmi ces éclats de voix et les pétillements de l’incendie, les longs