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souffrance donnant sur la cour de la vieille auberge, où tombaient d’aplomb les rayons de la lune.

C’est à grand’peine si la brèche ainsi pratiquée pouvait donner passage à un homme ; mais Daniel n’hésita pas à s’y jeter et, violemment poussé par derrière, il alla tomber pesamment sur les pavés de la cour. Un peu étourdi de sa chute, il n’eut que le temps de s’écarter à quatre pattes pour se dérober à l’avalanche humaine qui se précipitait à sa suite. Bientôt elle eut rempli la cour où les nouveaux arrivés poussèrent une triomphante clameur ; la maison assiégée y répondit enfin, à leur grande satisfaction,

Plus de silence, plus de résistance inerte : une lutte acharnée, un combat à chaque instant plus vif et plus furieux, combat auquel Daniel assistait inactif, le dos appuyé contre un mur, contemplant avec une sorte de regret cette mêlée dont il avait donné le signal.

Il vit les pavés arrachés briser peu à peu les ais d’un guichet qu’on avait négligé de consolider ; il vit les fenêtres s’ouvrir et les canons de fusil s’abaisser vers la foule ; mais, à ce moment-là même, la porte cédait, les assiégeants se précipitaient à l’intérieur, et les balles arrivèrent presque sans effet dans la cour tout à fait vidée. Derrière les murailles, le tumulte s’assourdit ; c’étaient comme les rugissements d’une bête fauve aplatie sur sa proie ; le bruit allait, venait : il y eut un moment où on n’entendit plus rien, et Daniel se soulevait péniblement pour vérifier la cause de ce silence, lorsque, avec un redoublement de cris plus distincts et plus joyeux, les assiégeants rentrèrent dans la cour en même temps que les victimes arrachées à la press-gang. Daniel se démenait, criait, se réjouissait comme un chacun, distribuant à droite, à gauche, force poignées de main et prêtant à peine l’oreille à ceux qui lui racontaient la fuite du lieutenant et de ses hommes par une des fenêtres de la