Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Parlons-leur doucement, dit-il ; essayons de les amadouer… Hobbs lâchera peut-être les prisonniers sans coup férir, si nous pouvons nous expliquer avec lui… Hobbs, continua-t-il, élevant la voix, la maison est-elle fermée pour toute la nuit ?… J’aurais grand besoin d’une chopine… Je suis Daniel Robson, une vieille connaissance. »

Pas un mot de réponse ; la maison resta silencieuse comme la tombe ; mais les paroles de Daniel n’avaient pas été perdues. Dans la foule qui le suivait s’élevèrent mille exclamations menaçantes ; personne ne songeait plus à déguiser sa voix ; la rage longtemps contenue s’exprimait en affreux blasphèmes. Si les portes et les fenêtres, en prévision de quelque assaut pareil, n’avaient pas été récemment pourvues d’armatures en fer, elles auraient cédé sous l’effort irrésistible de la foule qui, bélier vivant, se précipitait contre elles, mais qui dut reculer avec rage à la suite de cet inutile élan. Pendant cette minute critique, pas un mouvement, pas un son ne révélait dans la maison assiégée la présence d’un individu quelconque.

« Par ici, par ici !… J’ai trouvé sur les derrières un passage moins bien fermé, » dit alors Daniel, qui laissant conduire l’assaut par des gens plus jeunes et plus robustes, s’était occupé d’examiner les côtés faibles de l’enceinte. Il fut presque renversé par ceux qui se jetèrent après lui dans l’étroit couloir sur lequel avaient ouverture les bâtiments accessoires de l’auberge. Le verrou de l’une des portes avait déjà été brisé par Daniel, et les assiégeants s’introduisirent ainsi dans une étable infecte, où une pauvre vache affamée se hissa gauchement sur ses jambes quand elle vit son domicile envahi par tant de gens à la fois. Daniel, toujours en avant, faillit tomber, étouffé sur place, avant d’avoir pu défoncer un mauvais volet de bois pourri, lequel fermait un jour de