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C’était une promesse difficile à tenir, car Daniel ne voulait pas entendre parler d’autre chose. Volontiers peut-être eût-il chassé cette idée dans laquelle il s’obstinait malgré lui, mais il en était littéralement possédé. Son âge le mettait à l’abri de toutes craintes personnelles ; il n’avait pas de fils que la presse lui pût enlever, et néanmoins ses anciennes terreurs de jeunesse lui revenaient en foule, mêlées d’une colère sénile. Devenu plus sobre depuis la maladie de sa femme, il se remit dès ce moment à fréquenter les cabarets de Monkshaven, où il allait recueillir avidement les mille rumeurs qui pouvaient flatter sa passion dominante. Elle allait croissant toujours à mesure que des libations trop fréquentes affaiblissaient sa raison et que la concentration de son intelligence l’amenait peu à peu à une espèce de monomanie. Ainsi pourrait s’expliquer physiologiquement ce qui fut ensuite attribué à une possession surnaturelle, — espèce de condamnation portée contre lui et qui allait le pousser à sa perte.

IX

REPRÉSAILLES.

Nous avons parlé du Rendez-vous (Randyvow était la prononciation la plus généralement adoptée), c’est-à-dire du cabaret où s’étaient installés, à Monkshaven, les chefs de la press-gang, et où leurs victimes étaient ordinairement conduites, en attendant qu’on pût procéder à leur embarquement définitif. Cette maison, de renom assez piètre, avait une grande cour donnant sur le quai le plus voisin de la pleine mer, cour encombrée d’herbes et ceinte d’une forte muraille en bonnes pier-