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gères galanteries du specksioneer, un instinct secret lui disait que Sylvia Robson avait inspiré à cet aventureux séducteur une passion sérieuse et vraie. Il ne lui restait plus, — pour endormir sa conscience révoltée, — qu’à se demander, de temps à autre, si cette passion eût été durable.

Les trois vaisseaux qui l’inquiétaient si fort étaient la Mégère, le Bellérophon et le Hanovre. Quand il eut obtenu ce renseignement, il s’avisa un peu tard que l’Alceste n’avait aucune raison de s’éterniser sur les côtes du Yorkshire. Selon toutes probabilités, elle était partie depuis longtemps pour aller reprendre sa place dans l’escadre. Et depuis lors, qu’était-il advenu d’elle ou de son équipage ? Engagée en maint et maint combat, ne pouvait-on espérer ?…

Aussi ses appréhensions se trouvèrent-elles calmées. Toutefois, il y avait des moments de panique où les méfaits de la presse occupaient tous les esprits, et fournissaient matière à toutes les conversations. Philip, alors, se reprenait à craindre. Sylvia pouvait, se ravisant tout à coup, éclairée d’une lumière subite, s’apercevoir que la disparition de Kinraid n’impliquait pas, de toute nécessité, qu’il eût péri. Toutefois, pareille conjecture devait lui sembler improbable. À l’époque où le specksioneer avait si brusquement quitté la scène du monde, aucun croiseur de la marine royale n’était en vue des côtes, aucun du moins n’avait été publiquement signalé. En d’autres temps, — et cet hiver, par exemple, — on n’eût pas manqué de mettre sur le compte de la press-gang l’enlèvement d’une proie aussi digne de convoitise. Mais le nom de l’Alceste n’avait pas été murmuré une seule fois à l’oreille de Philip. Il en était d’ailleurs venu à penser que les gens de la ferme, isolés comme ils l’étaient, ne s’inquiétaient guère des incidents dont on parlait tant à Monkshaven. En ceci, pourtant, il se trompait, car sa