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— Si vous étiez amoureux, reprit Coulson d’une voix plaintive…

— Si j’étais amoureux, interrompit sèchement son collègue, j’aurais peut-être de ces imaginations, ridicules : mais je n’en rebattrais pas les oreilles d’un chacun. »

Toutefois, honteux de cette rebuffade à contre-temps, il se crut tenu, pour la faire oublier, de tenter la démarche sollicitée par son associé, avec lequel depuis quelques mois il vivait dans les meilleurs termes. Il lui répugnait, toutefois, d’interroger Hester elle-même sur les causes de son refus. Une sorte d’embarras vaguement raisonné, de gêne instinctive, l’arrêtaient malgré lui sur cette voie. Aussi chercha-t-il, et finit-il par trouver l’occasion d’entretenir Alice, un beau dimanche soir, seule à seul comme il le désirait.

Quand il entra, elle était assise près de la croisée, et lisait sa Bible. Elle l’accueillit avec cordialité, mais sans beaucoup de paroles, retira ses lunettes qu’elle remit dans leur étui de corne, et dont elle se fit ensuite un sinet en les glissant entre les pages du livre saint, puis elle attendit de pied ferme l’explication d’une visite qui, dans l’ordre de ses relations actuelles avec le jeune marchand, avait quelque droit de la surprendre. Sans être un diplomate de première force, Philip réussit, dès les premières questions de la bonne vieille, à mettre en scène son camarade Coulson. Mais ce nom lui fit froncer le sourcil :

« Laissons-là Coulson, lui dit-elle, et parlons de toi !… Ce garçon m’intéresse fort peu, je te l’avouerai sans détour…

— Pourquoi donc, bonne mère ?… Sans être des plus brillants, il a du fonds, c’est moi qui vous le dis ; et je parierais pour lui contre n’importe quel autre de nos jeunes commerçants.