Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tomber à l’eau tout garrotté, ce qui expliquait à merveille une submersion immédiate.

« Ah ! répondit mistress Robson avec quelque embarras, c’est tout au plus si j’aime à le dire… Mais le fait est que cette petite sotte lui avait donné ou laissé prendre un bout de ruban, chez les Corney, dans cette soirée du 1er janvier. Notre étourneau s’en était paré, en le fixant à son chapeau, si bien qu’à la marée basse, quand on cherchait de tous côtés, par ordre de son capitaine, ce malheureux specksioneer… Chut ! fit-elle s’interrompant tout à coup… Ainsi donc, mon garçon, tu as vu le roi Georges et la reine Charlotte ? »

À cette question improvisée Philip ne prit seulement pas garde, car Sylvia venait d’entrer et captivait toute son attention par les changements qu’attestaient chez elle son allure paisible et lente, ses traits atténués, sa pâleur, ses yeux agrandis par un chagrin silencieux et sans larmes. Elle s’approcha négligemment de son cousin, qu’elle accueillit avec l’indifférence familière de l’hospitalité quotidienne. Il semblait qu’il l’eût quittée la veille, et Philip eut à s’étonner, se rappelant si bien l’espèce d’altercation qu’ils avaient eue lors de leur dernière entrevue, au sujet de ce même Kinraid, — de n’en retrouver aucun vestige ni dans ses paroles, ni dans l’expression de sa physionomie. La douleur avait effacé, détruit tous ces futiles souvenirs.

« Ton cousin nous arrive avec force nouvelles de Londres, lui dit aussitôt sa mère avec une gaieté de commande. Va vite chercher ton père !… il sera bien aise de l’entendre jaser. »

Et comme Sylvia se dirigeait, silencieuse et docile, du côté du bercail, Bell Robson, se penchant vers Philip, dont la figure attestait pour le moins autant de remords que de sympathie, — ajouta quelques mots destinés, sans qu’elle le sût, à retenir un aveu complet que le malheu-