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gretter un mouvement d’animosité irréfléchie, lui portait une attention sympathique. La mère d’Hester, Hester elle-même, — secrètement flattées de ce qu’il était venu vers elles au lieu de courir chez les Robson, — s’imaginaient déjà voir renaître les jours heureux où Philip ne connaissait pas encore le chemin de Haytersbank.

VI

AIMÉ, PERDU.

Une gracieuse soirée de mai. Partout l’aspect, les bruits, le parfum du printemps. La fraîcheur des brises semble atténuée par les pourpres rayonnements du soleil à son déclin. Avant de se laisser tomber à côté de leur mère, les agneaux fatigués marient leurs bêlements plaintifs aux gazouillements du linot et de l’alouette… Partout le repos, si ce n’est dans le cœur de Philip. Il marche, et d’un bon pas, mais comme dans un rêve. Il n’a qu’à se féliciter, et une mystérieuse angoisse le poursuit malgré tout, sans qu’il ose ni se l’avouer, ni surtout s’en rendre compte.

Il est cependant porteur d’une grande nouvelle. Ce jour-là même lui a été officiellement notifiée l’intention de ses patrons qui les appellent, lui et Coulson, à prendre la suite de leur commerce. L’heure est donc venue qu’il envisageait de loin comme celle où il lui serait permis de prétendre ouvertement à la main de Sylvia : mais ce moment, qui devait être décisif, est bien loin de tenir toutes ses promesses. Entre Sylvia et lui se dressent autant et plus d’obstacles que jamais. Cependant la disparition de Kinraid a levé le plus insurmontable de tous. L’amour de ce volage séducteur ne tiendra pas contre