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Ce n’était point à ceci qu’il songeait, — sur le pont du bâtiment caboteur qui allait le débarquer à North-Shields, — en regardant le prieuré de Monkshaven dont les antiques bâtiments dessinaient vaguement leur profil gris parmi les brumes d’un lointain horizon. Un voisin des Robson, qu’il rencontra presque aussitôt après avoir pris terre, n’aurait pas mieux demandé que de lui offrir, en sus des poignées de main qu’il lui prodiguait, une séance à la taverne. C’était là pour notre voyageur, altéré de nouvelles, une belle occasion que, néanmoins, il laissa perdre. Il éprouvait une insurmontable répugnance à parler de Sylvia, et même des parents de Sylvia, soit en pleine rue, soit au cabaret. Il s’abstint donc de toute question et n’en savait pas plus long en rentrant à Monkshaven qu’au moment de sa dernière entrevue avec les habitants de Haytersbank. On pourrait croire qu’après la longue séance où il rendit un compte détaillé de sa mission à ses deux patrons dont la curiosité ne semblait jamais rassasiée, il n’eut rien de plus pressé que de courir à la ferme. Mais non : soit répugnance à s’y montrer dans ses poudreux vêtements de voyage qu’il n’avait pas pris le temps de changer avant de se rendre au magasin, soit qu’il préférât remettre au lendemain une visite que l’heure avancée devait forcément abréger ce jour-là, il aima mieux rentrer dans son domicile où il allait retrouver Hester et Coulson, sans parler de la bonne mère Alice. Les deux premiers l’avaient entrevu déjà ; mais la dernière l’attendait avec impatience, et salua son retour d’une exclamation joyeuse. Peut-être n’avait-elle pas espéré qu’il rentrerait de si bonne heure. Malgré sa lassitude, il lui fallut raconter à ses trois commensaux les merveilles de son voyage dans la capitale, ce qu’il fit en laissant de côté, comme l’exigeait la discrétion professionnelle, tout ce qui était relatif aux affaires de ses patrons. Coulson, qui n’en était pas à re-