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tout d’abord par une violente secousse, criant à voix haute :

« Arrière, mes maîtres ! je suis un baleinier, protégé par les statuts… Mes papiers sont en règle… Je suis engagé comme harponneur à bord de l’Urania, capitaine Craggs, port de North-Shields. »

En vertu de la dix-septième section de l’acte vingt-six du règne de George III, la press-gang n’avait aucun droit légal de s’emparer d’un baleinier, à moins que celui-ci n’eût manqué de rejoindre son navire avant le dix mars postérieur à la date de son acte d’enrôlement. Mais à quoi pouvaient servir les papiers que Kinraid se hâta de tirer de sa poitrine ? À quoi servaient les lois elles-mêmes, dans ce temps où il était si difficile d’approcher des hommes assez puissants pour les faire prévaloir, et alors que l’invasion française faisait régner une panique générale ?

« Au diable votre privilége, s’écria le chef de la press-gang… Passez au service de Sa Majesté ; cela vaut mieux que de pêcher des baleines.

— C’est là votre avis ? dit le specksioneer avec un mouvement dont se rendit parfaitement compte le sagace marin qu’il avait en face de lui.

— En sommes-nous, mon garçon, à ces petites rubriques ?… Droit sur lui, Jack !… et gare le coutelas ! »

La minute d’après, le coutelas de Kinraid lui fut enlevé de force, et la lutte corps à corps qui s’engageait désormais ne pouvait, en définitive, avoir qu’une issue. Notre baleinier, cependant, faisait pour se délivrer des efforts inouïs. Sans perdre son souffle en vaines paroles, il combattait, au dire de ses ennemis eux-mêmes, comme un « vrai démon. »

Hepburn entendait de grands efforts de respiration, des coups violents, le bruit du sable sur lequel on se traîne, les malédictions étouffées de gens qui avaient cru plus faci-