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relief masquait sa marche. Kinraid peu après, continuant d’avancer à découvert sur la grève, se tourna pour jeter un long regard passionné du côté d’où il venait. Quand il fit halte, Hepburn s’arrêta de même. Avec une ardeur égale, le premier contemplait sur la hauteur quelque objet lointain, le second tenait les yeux arrêtés sur son rival. Nul besoin de se demander vers qui se portaient les yeux et les pensées de ce dernier. Il venait d’ôter son chapeau et le brandissait en l’air, frappant un de ses bords avec une intention marquée. Quand il reprit sa route, Hepburn poussa un long soupir et se rapprochant des rochers toujours davantage, se perdant même à dessein parmi leurs blocs épars, arrêté çà et là par des broussailles, çà et là par des flaques d’eau, il avançait péniblement à la suite de Kinraid, comme fasciné par lui et ne pouvant se résoudre à le perdre de vue.

Ils approchèrent bientôt l’un et l’autre d’une crique située à quelque huit miles de Monkshaven. Formée par un petit cours d’eau qu’alimentaient des marécages lointains, elle était, au printemps, c’est-à-dire à la fonte des neiges, plus large et plus profonde qu’en d’autres saisons. Hepburn savait fort bien qu’ils auraient à remonter ce ruisseau, pendant à peu près un quart de mille, pour gagner une étroite passerelle pratiquée sur le sentier qu’ils étaient obligés de suivre. Sur ce sentier, aux méandres nombreux, il était à peu près sûr d’être aperçu, et il résolut, quoique en retard, de s’asseoir pendant quelques minutes pour laisser à Kinraid le loisir de prendre les devants. Une fois installé sur un des derniers rochers qui, dominant de sept ou huit pieds le ruisseau dont le specksioneer longeait les bords, constituait un poste d’observation parfaitement abrité, il jeta les yeux d’abord du côté de la passerelle, puis immédiatement au-dessous de lui. « Grand Dieu, mur-