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notone des flots endormait pour ainsi dire sa tristesse, et le brillant aspect de tout ce qui s’offrait à ses yeux semblait teindre d’espérance les songes auxquels il s’abandonnait tout éveillé. Les mouettes venaient raser la cime des vagues et, s’enlevant ensuite avec lenteur à l’approche de Philip, faisaient resplendir au soleil la blanche doublure de leur plumage. L’ensemble du tableau était paisible et consolant ; notre voyageur, avançant d’un pas alerte, sentait s’alléger le fardeau qui, pendant les sombres heures de la nuit passée, n’avait cessé de peser sur son cœur.

Parmi ces espèces de couloirs pratiqués dans la chaîne des rochers, il reconnut sans peine le gully qui conduisait à Haytersbank, et voyant à l’entrée, dans un endroit abrité du vent, quelques primevères déjà écloses, il eut l’idée d’en cueillir un bouquet qu’il porterait en courant jusques à la ferme, et qui serait peut-être bien venu de Sylvia comme offrande propitiatoire. — Mais au moment où il regardait sa montre et venait de s’assurer que l’exécution d’un pareil projet retarderait au delà du possible son arrivée dans Hartlepool, — un homme, lancé sur la pente du gully et emporté malgré lui par la rapidité de la descente, déboucha tout à coup à une centaine de mètres en avant de Philip. Sans s’arrêter, sans regarder autour de lui, ce personnage se mit à marcher dans la même direction que notre voyageur. À son allure, au mouvement particulier de ses épaules, à mille indices enfin, Hepburn reconnut Kinraid. Il ne pouvait s’y tromper.

Or le gully de Haytersbank conduisait à la ferme et ne conduisait que là. Pour descendre au rivage par cette étroite issue, il fallait d’abord gagner la maison des Robson et longer ses murs jusqu’au petit sentier qui descendait à la côte. Philip, à cette réflexion, ralentit le pas et se rapprocha du rocher dont le