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— Mon père et moi, nous recevons qui bon nous semble sans avoir besoin de votre congé, » dit Sylvia qui rangeait en toute hâte le contenu de sa boîte à ouvrage. Philip vit alors, — trop agité pour bien comprendre ce que cela signifiait, — que parmi les menus objets entassés pêle-mêle dans le petit coffret de bois qu’elle allait refermer, se trouvait la moitié d’une pièce d’argent coupée en deux[1].

« Sais-tu, Sylvia, si cela plairait à ta mère ?… Cet homme a trompé d’autres jeunes filles ; il te trompera comme elles, si tu permets qu’il te fréquente… Il est cause de la mort d’Annie Coulson, la sœur de William… Depuis elle, il en a trahi d’autres encore…

— Je ne crois pas un mot de tout ceci, s’écria Sylvia, debout et la colère au front.

— Je ne pense pas avoir menti de ma vie, répliqua Philip, doublement ému de l’attitude qu’elle avait prise vis-à-vis de lui et de l’attachement qu’elle témoignait pour son rival… Ce que je vous dis là, je le tiens de Willie Coulson… Il me l’a solennellement affirmé…

— Comment vous permettez-vous de venir ici, me harceler de ces contes calomnieux ? » interrompit Sylvia dont l’irritation croissait toujours.

Philip, se commandant un calme forcé, continuait ses explications.

« C’est votre mère, Sylvia, qui m’a prié de veiller sur vous comme un frère, de vous protéger, de vous avertir au besoin…

— Ma mère ne vous a jamais prié de m’espionner, ni de me faire des reproches sur les visites que je puis recevoir avec l’approbation de mon père… Pour ce qui concerne Annie Coulson, je vous répète que je n’en crois

  1. C’était autrefois, c’est encore aujourd’hui, dans certaines classes de la société, le premier présent d’un fiancé à sa promise.