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sincère… Si vous saviez tout le travail que j’ai eu, » continua-t-il implorant le pardon de sa faute.

Sylvia, qui ne s’inquiétait au fond ni de ses remords, ni du ruban réclamé par elle, se sentit troublée en le voyant si sérieux. Mais il ne s’en doutait pas. Tout entier à son repentir dont elle n’avait que faire, il multipliait d’inutiles excuses qu’elle comprenait à peine. La nouvelle du voyage à Londres lui arracha seule une exclamation de surprise :

« À Londres ? répéta-t-elle… Mais vous n’aviez jamais songé, que je sache, à vous établir là !… »

Il n’y avait, dans cette exclamation naïve, qu’un peu d’étonnement et une certaine curiosité. L’instinct de Philip le lui disait bien, mais il écartait par toutes sortes de sophismes cette désagréable conviction.

« Je ne vais pas m’établir là, dit-il ; je vais y passer quelque temps… Je serai de retour dans un mois, si je ne me trompe.

— Mais ce n’est rien, alors, que votre voyage ? s’écria-t-elle avec une certaine pétulance… Ceux qui partent pour le Groënland sont certains d’y rester six mois et plus. » Ici elle soupira.

Un jour soudain se fit dans la pensée de Philip, et quand il reprit la parole sa voix avait changé d’accent.

a Je viens de rencontrer, avec votre père, ce grand vaurien qu’on appelle Kinraid… Vous l’avez donc vu, Sylvia ? »

Elle se baissa pour ramasser quelque épingle tombée de son fichu ; puis se relevant, les joues fort animées.

— Oui, certes, et après ? » Ceci fut dit avec un regard de défi, bien qu’elle tremblât, au fond du cœur, et sans trop savoir pourquoi.

« Comment, après ? En l’absence de votre mère ?… Mais, Sylvia, dans aucune circonstance et à aucun titre, cet homme n’est fait pour hanter une fille comme vous.