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« Je pars demain matin ; après-demain, je serai en route pour les mers du Nord. »

Sur ces mots, il se détourna et se mit à siffler comme un homme qui n’a nulle envie de prolonger la conversation. Philip, d’ailleurs, n’avait rien de plus à lui dire et se crut pleinement informé de tout ce qu’il désirait savoir.

« Je voudrais faire mes adieux à Sylvia ; est-elle chez vous ? demanda-t-il au père de sa cousine.

— Je ne pense pas que tu l’y trouves… Elle devait sortir pour aller chercher des œufs à Yesterbarrow… Maintenant, elle n’a peut-être pas encore levé le pied ; vas-y voir toi-même. »

Daniel Robson ne se trompait pas en supposant que Sylvia n’était pas encore partie pour Yesterbarrow. Elle avait, en effet, annoncé cette intention pour dissimuler le regret qu’elle éprouvait à voir s’en aller ensemble son père et son fiancé ; mais, dès qu’ils se furent éloignés, elle demeura sur la hauteur d’où elle les avait suivis de l’œil, assise et rêvant au bonheur d’être aimée par l’homme dont elle avait fait son héros. Aucun pressentiment sinistre ne troublait sa joie. Puisqu’il l’aimait, tout irait bien, et les lèvres de la jeune fille, brûlantes encore du baiser qu’il leur avait donné, s’entr’ouvraient pour sourire à l’avenir, lorsqu’un pas bien connu, — mais dont le bruit à ce moment lui sembla tout à fait importun, — vint la réveiller en sursaut.

« Vous voilà, Philip ?… Quel vent vous a poussé par ici ?

— On vous dirait fâchée de me voir, Sylvia, dit Philip avec l’accent du reproche. Mais elle était bien décidée à tourner la chose en plaisanterie.

— Depuis plus de huit jours, répondit-elle, j’attends le ruban bleu que vous m’aviez promis de m’apporter.

— Je l’ai oublié, Sylvia, dit Philip avec un regret