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blable à celle d’un enfant pris en faute, mais encore plus décontenancé par les paroles d’Hester que par les remords de sa propre conscience.

Philip, cependant, gravissait d’un pas rapide les hauteurs derrière lesquelles était Haytersbank. Les événements de la journée, les paroles de Coulson l’avaient singulièrement animé, ce qui ne laissait pas dans son équilibre ordinaire le bon jugement dont la nature l’avait pourvu. Sa ferme résolution de ne parler de ses sentiments à Sylvia que lorsqu’il pourrait se présenter à ses parents comme le successeur des Foster, fut mise de côté pendant cette marche impétueuse. Au moment de s’éloigner, et pour un temps indéfini, comment lui laisser ignorer à quel point il l’aimait ? Tout au plus se promit-il, par un dernier reste de prudence, d’attendre, pour mettre à ses pieds les trésors de son dévouement, que l’annonce du voyage qu’il allait faire eût paru produire sur elle au moins une légère impression d’affectueux regret… Dans ce cas, il cesserait de se contraindre et, sans lui demander aucun retour, essaierait de lui peindre la passion profonde qu’elle avait éveillée en lui. Son cœur battait, son imagination anticipait sur ce qui allait se passer entre eux, lorsqu’il prit à travers champs le petit sentier qui devait le conduire à la ferme. Suivant le même sentier et, venant dès lors à sa rencontre, il aperçut bientôt Daniel Robson en conversation réglée avec Charley Kinraid. Ce dernier était donc venu à la ferme ? Il avait vu Sylvia, Sylvia sans sa mère ? Le souvenir de la pauvre Annie Coulson, jadis trompée par cet homme, traversa comme un éclair la pensée de Philip. Un sort pareil serait-il donc réservé à Sylvia ?… Cette simple question mettait Philip hors de lui : les deux hommes, cependant, s’étaient arrêtés, causant toujours ; ils l’avaient déjà vu, sans quoi,