Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/148

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fût trop tard pour rien changer aux résolutions arrêtées.

— Non, William, dit Philip en se levant, et je regarde comme un mauvais coup de cloche pour l’avenir que nous soyons à nous chamailler ainsi, comme deux petites filles, à propos de ce que tu regardes comme une occasion de plaisir pour moi… Je ne t’ai dit que la vérité, je n’ai rien fait pour te nuire ; et, comme j’ai à prendre congé des gens de Haytersbank, je ne resterai pas plus longtemps exposé à tes injustes interprétations. »

Il prit alors son bonnet, et partit sans faire attention aux clameurs aigües d’Alice, qui le poursuivait de questions relatives à la chemise à jabot et aux vêtements qu’il comptait emporter. Coulson demeura immobile sur son siége, en butte aux remords, pénétré de confusion, et finit à la longue par jeter un regard furtif du côté d’Hester. Celle-ci jouait avec sa cuillère à thé, mais il put voir qu’elle étouffait ses larmes, et ne sut pas s’empêcher de la contraindre à parler par une question tout à fait hors de propos :

« Qu’ai-je donc à faire, Hester ? » lui demanda-t-il.

Elle leva sur lui ses yeux ordinairement si sereins et si doux, mais dans lesquels, en ce moment, des éclairs d’indignation se faisaient jour à travers les larmes.

« Tu me le demandes ? répondit-elle ; je n’aurais jamais cru cela de toi, Coulson… Je ne te supposais pas capable d’envier, de soupçonner Philip, qui ne t’a jamais rendu un mauvais service, jamais n’a mal parlé, ni mal pensé sur ton compte… Et encore, encore, dans cette soirée qui peut être la dernière, le laisser ainsi quitter la maison sous le coup de tes reproches et de ta jalousie !… »

Elle se précipita là-dessus hors de la chambre. Alice était montée pour faire la malle de Philip. Coulson demeura seul, dans une situation d’esprit sem-