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dice quelconque l’avait sans doute averti, sans quoi, il n’aurait jamais essayé de mâter ainsi l’orgueil de la jeune fille ; il n’aurait jamais osé la réduire à la nécessité de parler la première. Mais à peine s’éloignait-il que, se tournant vivement de son côté, Sylvia prononça quelques mots dont le bruit seul, et non le sens, arriva jusqu’à ses oreilles.

« J’ignorais, disait-elle, que vous eussiez fait attention à moi… Jamais, que je sache, vous ne m’en avez parlé. »

L’instant d’après il était à côté d’elle, et, après une courte résistance, entourait de son bras la frêle taille de la jeune fille :

« Vous ne saviez pas que je vous aimais, Sylvia ?… Répétez-le si vous le pouvez en me regardant bien en face… Dès l’hiver dernier j’avais prévu que vous deviendriez la plus belle fille du pays ; cette année, en vous regardant tapie derrière mon oncle, abritée contre tous les regards, je me suis juré que vous seriez ma femme ou que je ne me marierais jamais… Vous n’avez pas été longtemps à le deviner… Pourquoi, sans cela, tant de timidité, tant de réserve ?… Et maintenant vous avez le front… Non, non, ce n’est pas ce que je voulais dire… Allons, enfant, qu’avez-vous ?… »

Car elle pleurait, et, quand il la força de tourner vers lui son visage humide et pourpre, elle le cacha tout à coup dans la poitrine sur laquelle il l’étreignait. Il se mit alors à la bercer dans ses bras avec de douces paroles, comme une mère qui console son enfant affligé. Puis ils s’assirent sur le même banc, côte à côte, et, quand elle fut un peu remise, leur entretien recommença. Il s’informa de sa mère, — nullement fâché, au fond du cœur, que Bell Robson se trouvât absente. Effectivement, il avait bien projeté, si cela était absolument nécessaire, de faire connaître ses intentions aux parents de Sylvia ; mais,