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cine des cheveux, pouvait à peine se soutenir sur ses jambes, prise d’un tremblement involontaire. Grâce à l’obscurité crépusculaire, Kinraid ne voyait rien de tout cela. Les paroles de la jeune fille n’exprimèrent aucune de ses sensations, ne firent allusion à aucun des souvenirs qui venaient en foule assiéger sa pensée.

« Je ne m’attendais pas à vous voir, lui dit-elle simplement… Je vous croyais parti.

— Ne vous avais-je pas annoncé que je reviendrais ? » répondit-il toujours debout, le chapeau à la main, attendant qu’elle lui demandât de s’asseoir.

Elle oubliait pourtant, dans sa timidité, cette politesse de rigueur, et concentrait en apparence toute son attention sur l’ouvrage qu’elle tenait à la main. Cette immobilité, ce silence ne pouvaient cependant se prolonger. Elle se sentait sous un regard attentif au moindre de ses gestes, et son trouble, sa confusion s’en augmentaient d’autant. Lui-même s’étonnait d’être ainsi reçu, et ne savait trop comment interpréter un changement pareil, auquel ne le préparaient guère les souvenirs de leur dernière entrevue. Fort heureusement pour lui, en étendant la main sur la table pour prendre une paire de ciseaux, elle accrocha le bord de son panier à ouvrage qui roula par terre avec tout ce qu’il renfermait. Elle se baissa pour ramasser les pelotons épars ; il fit de même tout naturellement ; et quand ils se relevèrent il avait dans sa main la main de la jeune fille qui, se détournant à demi, semblait prête à fondre en larmes.

« Pourquoi m’en voulez-vous ? disait-il d’un ton suppliant,… M’aviez-vous réellement oublié ?… Je croyais pourtant que nous nous étions promis de garder bon souvenir l’un de l’autre… »

Pas de réponse ; il continua :

« Je n’ai cessé de penser à vous, Sylvia Robson, et je ne suis revenu à Monkshaven que pour vous revoir une