Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— À propos de quoi ? » s’écria Philip surpris de l’accent tout particulier que William donnait à cette espèce de menace, et en même temps satisfait de le voir entrer si bien dans les répugnances qui lui inspirait Kinraid.

Le visage de Coulson était pâle de colère ; mais, pendant une minute ou deux, il sembla hésiter s’il répondrait ou non.

« À propos de quoi ? répéta-t-il enfin,… Vous allez le savoir. Pendant plus de deux ans, ce monsieur a fait la cour à ma sœur, la meilleure fille et la plus jolie, à mon gré, qui ait jamais mangé le pain du bon Dieu… Mon drôle, ensuite, rencontre une autre personne qui lui plaît davantage… »

William, ici, faillit étouffer dans l’effort qu’il faisait pour contenir l’expression de sa violente colère, puis il continua, un peu remis :

« Avec celle-ci, m’a-t-on dit, il a joué le même jeu.

— Et ta sœur ? demanda Philip avec une avide curiosité.

— Ma sœur est morte au bout de six mois, dit William… Elle est morte en lui pardonnant, et je devrais lui pardonner aussi, mais cela est au-dessus de mes forces… Tenez, ne parlons plus de lui, car son nom seul réveille en moi le vieil Adam et me ferait sortir de mon caractère. »

Philip, par égard pour son camarade, ne lui posa plus aucune question, bien qu’il eût encore voulu connaître maint et maint détail de cette romanesque aventure. Coulson et lui achevèrent leur travail de la journée, d’un air sombre et sans échanger une seule parole. Indépendamment de l’intérêt personnel que l’un ou l’autre, ou tous deux, avaient eu ou pouvaient avoir encore dans les triomphes du séduisant marin, le genre de fautes qu’on lui reprochait n’étaient pas de celles que trouvaient pardonnables ces deux graves et tranquilles jeunes gens.