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aux navires de franchir la barrière de glace étendue entre eux et les whaling-grounds ; encore fallait-il y arriver avant le mois de juin, sous peine de voir à peu près avorter la campagne. Aussi les forgerons battaient-ils le fer à grand bruit, transformant en harpons les fers les mieux éprouvés par l’usage ; les quais fourmillaient de marins à l’allure importante, dont on se disputait les services non-seulement pour la pêche, mais pour la marine militaire. La guerre en consommait beaucoup, et on prévoyait que plus d’un capitaine, hors d’état de compléter son équipage à Monkshaven, aurait à pousser jusqu’aux îles Shetland. L’approvisionnement des navires, celui des matelots, donnaient au mouvement commercial une activité extraordinaire, et on travaillait à force chez les Foster.

Un soir que, la boutique close, Hester et les deux futurs associés, passant la revue des marchandises, vérifiaient les articles du livre-journal pour s’assurer que les ventes y étaient régulièrement portées :

« À propos, Hester, demanda Coulson tout à coup, où est le paquet des « madras supérieurs ? » On m’en demandait un, aujourd’hui, et je n’ai pu mettre la main dessus.

— J’ai vendu le dernier, ce matin même, à l’individu que vous appelez le specksioneer… ce marin qui s’est battu avec la press-gang, le jour où fut tué le pauvre Darley… Il a pris aussi trois mètres de ce ruban rose avec des croix noires et jaunes, que Philip n’a jamais pu souffrir… Du reste, Philip lui-même a inscrit l’article.

— Est-il donc de retour ? demanda ce dernier… Je ne l’ai pas aperçu… Pourquoi revient-il ici, où personne ne le désire ?…

— J’aurais bien voulu le voir, reprit Coulson… Il aurait eu de moi une parole et un regard dont il se serait souvenu longtemps.