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temps en temps il voyait Sylvia qu’il trouvait invariablement douce, invariablement paisible, plus silencieuse peut-être qu’elle ne l’était l’année précédente, et ne prêtant pas la même attention à tout ce qui se passait autour d’elle ; — un peu plus maigre aussi, un peu plus pâle ; — mais tout changement lui était favorable aux yeux de Philip, pourvu qu’elle continuât à l’accueillir avec une certaine bonne grâce. Il la supposait inquiète de l’état de sa mère, ou du surcroît de besogne qui en résultait pour elle, et — sans qu’elle s’en aperçût, occupée qu’elle était de toute autre chose, — il lui témoignait plus de respect, plus de déférence que jamais, déférence et respect empreints d’une secrète tendresse. De son côté, Sylvia l’avait en meilleur gré que jamais, précisément parce qu’il lui épargnait ces assiduités passionnées qui naguère la tourmentaient si fort, bien qu’elle n’en comprît pas tout à fait le sens et la portée.

Ainsi allaient les choses lorsque l’hiver cessa de sévir. C’était le moment qu’attendait avec impatience la pauvre malade, à qui le médecin avait conseillé un changement d’air. Son mari devait l’emmener pour une quinzaine à quarante milles dans l’intérieur des terres, chez un de leurs anciens voisins ; et pendant leur absence, la veuve dont il a été question, dûment installée chez eux, tiendrait compagnie à Sylvia. Ce dernier arrangement était nécessaire pour que la jeune fille ne demeurât pas seule une grande partie du jour, même après le retour de son père qui, sa femme une fois établie chez leurs amis, comptait bien rentrer sans délai ; car, à ce moment de l’année, le travail des champs réclame les soins les plus assidus.

Une grande activité régnait aussi dans le port de Monkshaven. Les baleiniers achevaient leurs préparatifs de départ. Ils avaient devant eux ce qu’ils appellent « un temps clos, » c’est-à-dire une saison qui rend difficile