Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cilier le bon vouloir de Kester, ce fut à ce dernier qu’il s’adressa.

« C’est une belle laitière que vous trayez là, mon maître, lui dit-il, comme s’il prenait un vif intérêt à cette délicate opération.

— Belle si vous voulez, mais je l’aimerais mieux un peu moins mauvaise… Hier encore, elle a failli renverser le seau d’un coup de pied. »

On n’entendit plus, pendant un moment, après cette réponse succincte, que le bruit espacé des jets écumants qui frappaient le bois sonore.

Sylvia tricotait plus assidûment que jamais, se dépitant en elle-même de n’avoir ni une robe plus neuve, ni des rubans plus frais sur la tête, et ne se doutant pas du charme répandu autour d’elle dans cette vague pénombre où sa brillante chevelure jetait des reflets dorés, et où son minois mutin, qui semblait vouloir se dérober sous son bonnet de linon, empruntait une grâce indicible à ce mouvement de pudeur coquette. Kinraid voulait lui parler, il voulait surtout l’entendre, mais ne savait par où commencer. Kester, qui jugea convenable de revenir sur les exploits d’Hélène la Noire, lui fournit la question qu’il cherchait.

« Venez-vous souvent voir traire les vaches ? demanda Kinraid.

— Très-souvent, répondit Sylvia, tentée de sourire. J’aide Kester quand il y a presse, et il pourra vous dire que Black-Nell ne me résiste pas comme à lui.

— Je voudrais vous voir aux prises avec elle, recommença Charley qui sentait la glace à peu près rompue.

— C’est facile, dit Kester ; vous n’avez qu’à revenir demain soir.

— Demain soir, reprit le jeune marin, je serai sur la route de Shields.

— Demain ! répéta Sylvie, levant involontairement les