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eut un moment d’hésitation. Il pensait à Sylvia vivante, presque autant qu’à cette défunte mère dont les dernières paroles l’avaient recommandé au Père de ceux qui n’ont plus d’amis ; et maintenant qu’un si bref délai le séparait de la réalisation de tous ses vœux, ce Philip si paisible, si maître de lui, éprouvait une impatience presque fiévreuse… Ce sentiment pourtant n’eut que la durée de l’éclair, et il s’engagea au secret qui lui était demandé. Après quelques autres arrangements pris d’une manière sommaire, Hepburn et Coulson firent leurs adieux à leurs patrons, et ils étaient déjà dans le couloir où la vieille Marthe les scandalisait en les aidant à passer leurs surtouts, comme s’il se fût agi de son propre maître, lorsqu’on les rappela inopinément dans le salon.

John Foster fourrageait dans ses papiers par un geste qui trahissait une certaine agitation nerveuse. Ce fut Jeremy qui prit la parole.

« Nous n’avons pas jugé nécessaire, dit-il, de vous recommander Hester Rose… Si elle eût été un jeune homme, nous lui aurions assuré le tiers des avantages que nous vous faisons. En tant que femme, nous ne voulons pas la jeter dans les embarras d’une société commerciale… Il nous paraît mieux de lui assurer un salaire fixe jusqu’à l’époque de son mariage. »

En parlant ainsi, le vieux quaker examinait avec une certaine curiosité la physionomie de ses jeunes interlocuteurs. William Coulson semblait mal à son aise et prêt à pleurer ; mais il n’articula pas un mot, laissant comme d’ordinaire à Philip le soin d’exprimer leurs sentiments communs.

« Quand bien même nous n’aurions pas pris soin d’Hester pour son compte personnel, dit ce dernier, elle nous eût été recommandée, messieurs, par cela seul qu’elle a été à votre service… Vous fixerez vous-mêmes le chiffre de sa rétribution, et je crois pouvoir dire que