Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/118

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je ne sais personne qui voulût me faire l’avance d’un penny ; je n’ai que bien peu de parents, et ils n’ont que tout juste ce qu’il leur faut. »

Coulson dit à son tour :

« Mon père et ma mère ont neuf enfants.

— Laissons cela, laissons cela ! dit John, fléchissant un peu vite, car il était las de représenter la prudence égoïste… Il me semble, frère, que nous avons assez de biens, ici-bas, pour en disposer selon qu’il nous convient. »

Jeremy fut un peu scandalisé de voir s’évanouir si vite la fiction convenue entre les deux frères, et il aspira plusieurs bouffées de tabac avant de répondre :

« Deux mille livres, et plus, constituent une forte somme pour la hasarder ainsi sous la responsabilité morale et matérielle de deux blancs-becs dont l’aîné, n’a pas tout à fait vingt-trois ans… Il me semble que nous devrions y regarder à deux fois.

— Allons donc, John, répliqua Jeremy, pas plus tard qu’hier, je t’ai entendu dire que tu préférerais Philip et William aux cinquante premiers venus que je pourrais te nommer… Et maintenant tu leur objectes leur jeunesse ?…

— À la bonne heure… la moitié du risque te regarde, et, à cet égard, tu es libre d’agir à ta guise… Mais, quant à moi, je voudrais, pour la moitié qui me concerne, avoir quelques garanties… Car, tu as beau dire, vois-tu, le risque est grand… Voyons, mes amis, pouvez-vous nous fournir quelques sûretés ?… Avez-vous quelque perspective de fortune ?… Quelque succession à espérer ?… Quelque nue propriété dont un autre aurait l’usufruit ? »

Non ; — ni l’un ni l’autre n’avaient rien de semblable. Jeremy reprit alors :

« Il faudra donc, John, que je fasse comme toi, et que