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progressive. Le langage qu’on leur tenait avait été combiné d’avance par les deux frères, pour faire bien apprécier à Hepburn et à Coulson l’immense, l’exceptionnelle responsabilité de la situation à laquelle ils allaient être appelés par les Foster. Il fallait que l’importance de leurs paroles fût en rapport avec l’importance de la proposition. Aussi s’étaient-ils distribué les rôles ; l’un des frères devait suggérer, l’autre fournir des objections. Les deux jeunes gens se tenaient aussi sur la réserve. Ce qu’on allait leur dire aujourd’hui, depuis longtemps ils l’attendaient avec impatience ; il n’en fallait pas moins écouter ce long préambule sans avoir l’air d’imaginer à quoi il pouvait conduire. Ainsi se passaient alors les choses. Sont-elles donc aujourd’hui si différentes ? Mais revenons. John Foster répondit à son frère :

« Les marchandises et la clientèle !… Cela coûterait gros… Et encore faut-il tenir compte des aménagements fixes… Philip, mon ami, pourrais-tu me dire la somme exacte que représentent les marchandises actuellement emmagasinées ? »

On était alors au lendemain de l’inventaire : Philip savait la chose sur le bout des doigts.

« Mille neuf cent quarante et une livres, treize shillings, et deux pence. »

Coulson le regarda, un peu décontenancé, sans pouvoir réprimer un soupir. Les chiffres ainsi articulés tout au long avaient quelque chose de formidable. Mais Philip, qui lisait mieux sur la physionomie des deux frères, ne se sentait pas tout à fait aussi épouvanté.

« Et les aménagements ? demanda John Foster.

— Ils ont été évalués, à la mort de notre père, quatre cent trente-cinq livres, trois shillings, et six pence. Il y a eu depuis lors des additions, mais comme il faut tenir compte de la moins-value, nous nous en tiendrons à ce chiffre.