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Aussi, dès que les volets du magasin furent en place, les deux commis partirent ensemble pour se rendre chez Jeremy Foster. À peine s’arrêtèrent-ils un moment sur le pont pour humer la brise marine chargée de molécules salées, et dans laquelle, après les fatigues du jour, ils se retrempaient avec joie. Ils gravirent ensuite respectueusement ces hauteurs aristocratiques où les rues cessaient d’être profanées par le voisinage d’établissements mercantiles, et où la maison de Jeremy Foster brillait entre cinq ou six autres, toutes pareilles d’ailleurs, par l’immaculée propreté de ses portes vernies, de ses cuivres passés à l’eau seconde, de ses marches de pierre savonnées et cirées chaque matin.

Devant ce seuil imposant, les deux jeunes gens restaient interdits et timides comme une jeune fille qui va mettre le pied dans son premier bal. Ni l’un ni l’autre n’osait frapper. Philip, enfin, honteux de lui-même, hasarda un coup timide, et comme on les attendait, les deux battants s’ouvrirent à l’instant même. Aussi resplendissante de propreté que la maison elle-même, une suivante d’âge canonique accueillit par un doux sourire de bienvenue ces visages familiers.

« Laissez-moi vous essuyer un peu, William, dit-elle, joignant l’action à la parole… Vous vous êtes appuyé, j’en suis sûre, contre un mur nouvellement blanchi… Et vous, Philip, continua-t-elle, passant la revue de ce dernier avec une liberté toute maternelle, vous ferez bien de frotter un peu vos souliers sur cette natte… Notre maître n’y manque jamais. »

Dans le salon carré régnait le même ordre, strict et précis. Pas un grain de poussière sur un meuble quelconque ; et tous étaient rangés en lignes parallèles, ou tout au moins formaient avec les autres un angle droit rigoureusement exact. Jusqu’à John et Jeremy, qui avaient pris place aux deux côtés de la cheminée, avec