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eux, sans qu’ils s’en fussent jamais parlé, une espèce de mystérieux accord.

« Et qu’as-tu répondu ? demanda Philip dont l’obstination se refusait, même alors, à changer les projets qu’il avait formés.

— Que pouvais-je répondre, à ton sens ? J’ai dit que nous acceptions… Il y a quelque chose sous jeu… Quelque chose qui, pensait-il, ne nous ferait pas de peine… Je l’ai bien déchiffré sur son visage… Est-ce que, par hasard, tu refuserais l’invitation ?

— Pas précisément… Je verrai, » répondit Philip, songeant aux conséquences graves du parti qu’il pourrait prendre à cet égard.

Et au même moment, il fallut s’occuper des acheteurs qui entraient en foule. Parmi ceux qui entouraient Hester, Philip reconnut Charley Kinraid, qui était entré donnant le bras à Molly Brunton et suivi de toutes les misses Corney. L’oreille tendue de leur côté pendant qu’il servait d’autres clients, Hepburn démêla bien vite, dans leurs bruyants discours, ce qui le concernait en particulier. Il apprit aussi que Kinraid, venu pour passer seulement un jour de congé auprès de ses parents, retournait dès le lendemain à Shields, où le rappelait l’armement du navire sur lequel il devait s’embarquer. Les propos légers qui s’échangeaient à ce sujet semblaient attester la plus complète indifférence, soit chez le jeune marin, soit chez ses cousines. Celles-ci, en vertu de quelques promesses qu’il leur avait faites, ne songeaient qu’à obtenir de lui les bagatelles dont elles avaient envie ; et quant à lui, sans trop se préoccuper de la dépense, il tâchait de faire échoir les plus beaux lots aux fillettes les plus jeunes et les mieux tournées. Hepburn ne pouvait s’empêcher de lui envier cette aisance, cette courtoisie souriante qui caractérisent la galanterie des marins ; mais lorsque, sur le point de