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prenez garde ! et ne poursuivez pas celles qui n’ont aucun souci des choses saintes… Pourquoi, par exemple, aller ce soir à Haytersbank ? »

Philip se sentit rougir, suspendu entre la volonté de ne pas céder et l’influence qu’exerçaient sur lui les instances passionnées de cette femme austère.

« Non, disait-il essayant de se dérober à son étreinte maternelle… Ma tante est malade… Ils sont du même sang que moi, et braves gens après tout, quoique ne pensant pas sur tous les points ce que vous pensez vous-même.

— Ce que je pense n’est donc plus ce que tu penses ? s’écria-t-elle avec un retour de sévérité. Ce sont là, Philip, des paroles de Satan… Mais si je ne puis rien contre lui, je parlerai du moins contre ces femmes, et nous verrons qui d’elles ou moi tirera le plus fort, elles pour t’entraîner vers l’enfer, moi pour te détourner de la pente fatale.

— On n’est pas sur cette pente, répliqua Philip, parce qu’on va rendre visite à des parents malades. » Puis, — avec un geste qui de sa part pouvait sembler une caresse, — il la quitta pour retourner au magasin.

Mais, une fois là, ses projets trouvèrent un contradicteur plus éloquent ou du moins plus péremptoire que la vieille Alice. À peine avait-il repris sa place derrière le comptoir que Coulson, s’inclinant de son côté, lui dit tout bas :

« Jeremy Foster est venu nous prier de souper avec lui ce soir… Il dit que John et lui ont quelques affaires à traiter avec nous. »

Un regard de Coulson apprit en même temps à Philip que les affaires en question devaient se rapporter — il le pensait du moins — à cette association pressentie par les deux commis, et au sujet de laquelle il existait entre