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née, descendit d’un pas précipité vers la place du Marché. Mais bien que ce fût une des foires les plus fréquentées de l’année, une de celles où les ménagères venaient s’approvisionner pour la saison d’hiver, la place était vide, et les trépieds que les marchands louaient à un penny l’heure, abandonnés çà et là, renversés pour la plupart, attestaient la prompte dispersion de la foule qui tout à l’heure encore encombrait cet endroit. Déposant à la hâte leurs paniers dans une boutique dont l’obligeant propriétaire venait de répondre à leurs questions empressées sur l’arrivée du baleinier, Molly et Sylvia se hâtèrent de courir au port, et, cinq minutes après, on aurait pu les voir côte à côte au milieu de la foule attentive. Mais tous les regards étaient dirigés vers le navire, qui venait justement de jeter l’ancre en dehors de la barre, à un quart de mille environ de l’endroit où elles se trouvaient. Les matelots de la douane, qui avaient conduit à bord l’officier chargé d’examiner la cargaison, revenaient en ce moment au rivage, rapportant quelques menus lambeaux de nouvelles que les assistants se disputaient à l’envi. Sylvia, étreignant la main de sa compagne plus âgée et plus expérimentée qu’elle, écoutait, bouche béante, les réponses que celle-ci arrachait à un vieux marin passablement revêche et qui se faisait tirer l’oreille pour lui répondre. Elle apprit ainsi que le bâtiment en vue s’appelait la Résolution et que sa traversée n’avait pas été fort heureuse. Le manifeste présenté à la douane ne déclarait que huit baleines ; en revanche, on disait merveille d’un autre bâtiment, la Good-Fortune, arrêté à la pointe Saint-Abb, et qui ramenait pour sa part environ quinze baleines…

« C’est le navire de mon cousin, dit Molly à Sylvia ; il est specksioneer à bord de la Good-Fortune. »

Sylvia eût peut-être demandé l’explication de ce mot à elle inconnu, mais Molly, sa curiosité une fois satis-