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me crois pas si près de choir, et dans tous les cas je n’ai pas le temps de vous écouter… Nous sommes au jour de l’An, vous savez ? et il y a foule dans le magasin. »

Mais Alice tenait toujours la main levée. Il fallait que sa harangue longtemps méditée trouvât finalement son issue.

« Le magasin par ci, le magasin par là !… La chair et le démon vous tiennent, mon pauvre ami, et les chemins de la grâce me semblent vous être à jamais fermés… Veillez et priez ! dit le Nouvel An. Vous, au contraire, vous répondez : — Non ! Je courrai après les fêtes et les marchés ; je laisserai venir et s’en aller les saisons sans me préoccuper de Celui vers lequel me pousse chacune d’elles… Il fut un temps, Philip, où jamais ces folles joies ne t’auraient empêché d’assister à la Veillée religieuse, ni séparé de la société des Saints.

— Je vous dis, répondit brusquement Philip, je vous dis et je vous répète que je n’ai pas goûté la moindre joie, folle ou non. » — Puis il sortit, prêt à éclater.

Alice se laissa tomber sur le siége le plus voisin, et prenant sa tête dans ses mains ridées :

« Il est enlacé, il est pris au piége, disait-elle. Lui, après qui je soupirais et que je regardais comme un des Élus, lui qui… Seigneur Dieu ! et dire que je n’étais pas la seule à soupirer ainsi, dire que mon enfant unique… Épargne-la, Seigneur, épargne-la ! Ne livre pas non plus à Satan l’âme de ce malheureux que j’ai connu tout petit… » Philip revint, à ce moment, pour s’excuser des vives paroles qui lui étaient échappées ; mais Alice ne le vit et ne l’entendit que lorsque, arrivé près d’elle, il lui toucha légèrement le bras pour attirer son attention.

« Ô mon enfant ! lui dit-elle, en réponse à ses témoignages de repentir, Satan a soif de vous posséder pour vous passer au crible de sa colère… Prenez garde,