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plus ils n’échangeaient une confidence, se respectant peut-être d’autant plus qu’ils se voyaient plus contenus et plus sobres d’épanchements. Au fond du cœur de Coulson existait un sentiment secret qui aurait pu nuire à Philip, même chez un ami bien autrement disposé à l’indulgence. Mais ce dernier n’en pouvait rien savoir, et ne fut pas autrement étonné du silence qui se fit entre eux lorsqu’ils furent seuls.

Coulson, cependant, crut devoir faire profiter son compagnon du sermon prononcé à la veillée et que ce dernier avait sacrifié à de vains plaisirs. Mais Philip, sans trop l’écouter, se coucha tout habillé sur son lit, s’arrangeant pour qu’on le crût livré au sommeil. Il ne dormait pas, néanmoins, et repassait dans sa tête tous les événements de la nuit. Ils l’affectaient plus favorablement, revus ainsi dans une sorte de fièvre et de demi-sommeil, qu’au moment même où ils s’étaient succédé ; et lorsque l’aube revint éclairer leur petite fenêtre, l’espoir, sinon la joie, était rentré dans son cœur. Aussi, bien que l’heure ordinaire du lever fût évidemment dépassée, il n’éveilla pas son compagnon qui dormait encore, et, ses souliers à la main, quitta sans bruit la chambre commune.

Alice non plus n’était pas levée, bien que d’ordinaire elle fût la première sur pieds ; mais aussi, disons-le à sa décharge, minuit sonnant ne la trouvait jamais hors de son lit. Philip éprouva un plaisir charitable à la suppléer dans les premiers soins du ménage, et ce fut au retour de la pompe, — où après avoir allumé le feu, il était allé remplir la chaudière, — qu’il trouva ses deux hôtesses établies dans leur cuisine. À la vue du jeune homme qui rentrait ainsi, les pieds couverts de neige, Alice n’éprouva qu’un sentiment d’impatience, suite nécessaire des reproches qu’elle s’adressait à elle-même depuis un quart d’heure.